CETTE HERBE MéDİCİNALE QUİ POUSSE SOUS NOTRE NEZ
Avec ses mains croisées derrière la tête,
assis dans ce fauteuil bergère en velours d’un rouge cerise, Necmi semblait
presque ne faire qu’un avec le siège. Il était dans un coin reculé du salon, bien
placé pour avoir une vue dégagée sur la porte de la salle d’opération, tout en
restant à l’écart des regards indiscrets. Comme à son habitude, il évitait la
foule, perdu dans ses pensées,
silencieux et paisible, ses yeux fuyants rivés au sol. À moitié allongé,
dans une posture entre assis et couché, on aurait dit qu’il dormait les yeux
mi-clos. Un véritable état de camouflage. Ceux qui le croisaient ne
comprenaient pas cette attitude. Quel homme détendu, pensaient-ils. Ils se
lançaient des regards complices et échangeaient de petits sourires en coin.
Quant à ceux qui ne le connaissaient pas, ils se demandaient à voix basse :
"Est-ce qu’il dort ?" Par crainte de le déranger, personne n’osait
s’approcher de lui. Aux yeux de sa sœur Necla, cette scène était l’exemple
parfait d’un art du camouflage bien maîtrisé.
Necla connaissait son frère par cœur. Il avait trois ans de moins qu’elle et, selon elle, il était littéralement né entre ses mains. Bébé, enfant, adolescent, son caractère n’avait jamais changé. Necla voulait toujours jouer avec lui, parlant sans cesse, lui racontant mille choses. Malgré lui, Necmi avait dû apprendre à ramper et à marcher plus tôt que prévu, pressé par l’énergie débordante de sa sœur. Elle parlait tellement que cela l’avait poussé à développer des talents insoupçonnés pour fuir. Ainsi, tout au long de sa vie, Necla avait joué un rôle déterminant dans le rythme effréné qu’il s’imposait. En dépit de sa nature, il avait toujours accéléré le rythme de sa vie : il avait appris à lire plus tôt, s’était inscrit à l’école avant l’âge habituel et, plus tard, s’était même marié jeune pour quitter la maison. En un sens, Necla avait été comme un catalyseur dans la vie de Necmi. De nombreux épisodes marquants de son existence s’étaient précipités à cause de cette envie constante de prendre ses distances. Pour Necmi, gagner en fuyant était peut-être devenu sa philosophie, bien qu’il n’ait sans doute vu cela que comme une simple fuite.
Soudain, un cri perçant, aigu et puissant
d’un nouveau-né résonna à travers la porte de la salle d’opération, qui venait
de s’entrouvrir. Necmi, contre toute attente, bondit de son fauteuil avec une
rapidité inhabituelle. Tandis qu’il regardait une petite fille qui s’approchait
de lui en pleurant à grands cris, son regard croisa celui de Necla. Ils avaient
l’impression de vivre cette scène qu’ils avaient entendue mille fois dans les
récits de leur mère :
"Ça se voyait déjà dès sa naissance que Necla ne supportait pas de rester
silencieuse ou immobile. Alors que toute une pièce remplie de bébés dormait
paisiblement, elle s’était mise à crier et à réveiller tout le monde."
Necmi marmonna involontairement le nom de «
Necla » avec ses lèvres. Sa sœur lui sourit et, en le prenant dans ses bras,
déclara :
"Que la nouvelle Necla de votre maison soit une bénédiction et une source
d’abondance."
Necmi se replongea soudain dans son monde
intérieur. Comment cela avait-il pu arriver ? Comment avait-il compris qui il
était vraiment en se confrontant à ceux qui étaient différents de lui ? Tout
commençait avec la naissance. En réalité, dès le premier jour, il était évident
qui était qui. Ce qui lui manquait, sa
sœur l’avait, et ce qui manquait à sa sœur se trouvait en lui, pensa-t-il.
Alors qu’il regardait la petite Necla, ses
yeux se mirent à briller, et avec un sourire adressé à sa sœur, il déclara :
"Ne pas pouvoir échapper à soi-même, c’est ça," avant d’ajouter avec
un clin d'œil :
"Les herbes qu’on ne veut pas…"
En
vérité, nous arrivons tous dans ce monde avec des traits uniques, parfois très
différents, mais qui peuvent devenir extrêmement précieux si nous apprenons à
les utiliser. C’est à partir du moment où nous prenons
conscience de ces différences que commence le véritable processus de croissance
et de transformation dans la vie.
Une fois cette prise de conscience atteinte,
la vie devient une sorte de terrain de jeu, un espace de lutte joyeuse. Un jeu où l’objectif est de conserver nos
qualités positives tout en nous débarrassant de nos défauts. Un jeu où l’on
apprend à puiser dans les belles qualités des personnes qui nous entourent.
C’est un jeu de découverte, où l’on comprend que nos manques sont souvent
compensés par les excès des autres. Un jeu d’acceptation, où l’on s’entraîne à
tolérer, à comprendre et même à apprécier les caractéristiques qui nous
semblaient d’abord excessives ou dérangeantes.
Certains parlent trop, d’autres pas assez.
Certains courent à toute vitesse, tandis que d’autres restent immobiles. Il y a
ceux qui voient le monde en noir et blanc, et ceux qui vivent dans une
explosion de couleurs. Certains sont durs comme la pierre, d’autres doux comme
du coton.
En
réalité, ce processus est un jeu où l’on découvre que beaucoup de gens ne se
connaissent pas encore vraiment. La vie, lorsqu’on en
prend conscience, devient une scène de théâtre captivante. Notre rôle ? Apprendre les règles du jeu et les appliquer.
Et c’est là que deux chemins s’offrent à nous.
Soit nous essayons de fuir certaines
personnes, pensant nous éloigner d’elles, mais finissons par les retrouver encore
plus proches, comme des miroirs reflétant ce que nous devons apprendre.
Soit nous réalisons qu’il existe une voie plus
rapide, plus sûre et moins épuisante. Une voie où, au lieu de fuir, nous
apprenons à tirer parti des expériences réelles de nos différences. Une voie où
nous découvrons que comprendre et accepter à la fois soi-même et les autres
peut être une aventure bien plus enrichissante et plaisante.
Ainsi, la vraie question à laquelle nous
devons répondre est simple :
Qui est Qui ?
Prendre conscience et apprendre des différences de nature et de caractère que l'on a avec ses proches est si précieux...en espérant devenir un meilleur "moi"
YanıtlaSil